Touche pas à mon Schengen !

23 septembre 2024

Depuis le 16 septembre, l’Allemagne a réintroduit des contrôles à ses frontières pour six mois, en réaction à plusieurs incidents récents. Deux attaques au couteau à Solingen en août, une autre à Mannheim en mai et une tentative à Munich début septembre ont relancé le débat sur la migration irrégulière dans le pays.

Cette décision a provoqué des réactions diverses, notamment de la part de ses voisins européens, qui y voient une menace pour le système Schengen.


Schengen, kézako ?

L’espace Schengen, créé en 1985, regroupe aujourd’hui 29 pays, dont quatre hors de l’UE (Islande, Liechtenstein, Norvège, Suisse). Il permet la libre circulation des personnes sans contrôle aux frontières, facilitant les voyages, le travail à l’étranger, et le commerce transfrontalier grâce à un transport plus rapide et moins coûteux des marchandises. 

Les pays membres de l’espace Schengen peuvent établir des contrôles aux frontières intérieures en cas d’urgence, à condition de soumettre une demande à la Commission européenne accompagnée d’une justification.

Cela s’est produit pendant la pandémie de Covid-19, lorsque tous les États ont réintroduit des contrôles pour limiter les infections. Ces contrôles temporaires peuvent durer six mois et être prolongés jusqu’à trois ans.

Toutefois, certains pays contournent ces règles avec des contrôles intermittents. Par exemple, la France contrôle ses frontières depuis 2015 pour des raisons comme la lutte contre le terrorisme ou les Jeux olympiques. La Commission européenne n’a pas de droit de veto sur ces décisions, mais insiste pour que ces mesures restent exceptionnelles et de dernier recours, sans jamais s’y opposer jusqu’à présent.


Pourquoi l’Allemagne a-t-elle réintroduit les contrôles à ses frontières ? 

Nancy Faeser, ministre fédérale allemande de l’Intérieur, évoque une menace liée au terrorisme islamiste, qui affecte le sentiment de sécurité de la population allemande. Elle souligne également la pression sur le système d’asile due au grand nombre de migrants en situation irrégulière. Elle souhaite donc identifier les personnes entrant sans autorisation et les expulser.

Les réactions des autres pays ne pourraient pas être plus différentes.

L’Allemagne, située au centre de l’Europe, joue un rôle clé dans le système Schengen, ce qui suscite des critiques. Tusk, le premier ministre polonais, dénonce l’abrogation du système, affirmant que les contrôles aux frontières internes ne réduisent pas la migration irrégulière, mais visent à renforcer la sécurité des frontières extérieures de l’UE. Cela a été envisagé avec le Pacte européen sur la migration et l’asile prévu pour 2026. La Grèce soutient la Pologne, accusant l’Allemagne de compromettre le système Schengen et de transférer le problème migratoire aux autres pays. 

Au contraire, l’Allemagne a trouvé de nouveaux alliés : Viktor Orbán a félicité Olaf Scholz, Chancelier fédéral d’Allemagne, et Geert Wilders, membre d’un parti de droite néerlandais, a qualifié la décision allemande de modèle à suivre. Les Pays-Bas envisagent même de sortir du système d’asile de l’UE pour limiter l’entrée des demandeurs d’asile et rendre leur pays moins attractif pour les migrants.

Cette mesure pourrait avoir des répercussions dans une Europe de plus en plus à droite. Les contrôles aux frontières ne sont pas le principal problème, mais plutôt la signification qu’ils revêtent. L’Allemagne, qui soutenait auparavant une politique migratoire humaine sans durcir les règles d’asile, semble changer de position. Des experts craignent qu’en accordant des contrôles en raison d’une crise migratoire, la Commission européenne déclenche un effet domino, incitant d’autres pays à faire de même, ce qui affaiblit le système Schengen et le droit d’asile.

Par ailleurs, le nombre de migrants entrant en Europe a diminué de 37 % par rapport à l’année dernière, en partie grâce au Pacte européen avec la Tunisie. Il reste donc à déterminer si la politique allemande est réellement nécessaire ou si elle n’est qu’une stratégie symbolique, surtout à l’approche des élections fédérales de 2025.




Image à la une :

Copyright European Union, 2011 – Source: EC – Audiovisual Service

Sources :

L’Allemagne rétablit des contrôles à l’ensemble de ses frontières terrestres contre l’immigration irrégulière (Le Monde, consulté le 26/09/2024)

Immigration : le durcissement allemand provoque des débats tendus en Europe (Le Monde, consulté le 26/09/2024)

L’Europe à nouveau piégée sur l’immigration (Le Monde, consulté le 26/09/2024)

Comment fonctionne l’espace Schengen ? (Toute l’Europe, consulté le 26/09/2024)

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